Articles > Initiation à la langue arabe
par Alexis UlrichIl y a quelques années déjà, j’ai eu l’occasion de suivre un cours d’une semaine d’arabe intensif à l’institut Calam de Paris. C’était une découverte totale, de l’écriture et de la lecture, puis des premiers rudiments de langue jusqu’aux premières phrases de présentation (Bonjour, Je m’appelle…, J’habite à…). Je vais partager ce que j’ai retenu de ces quelques jours avec vous.
L’écriture
La langue arabe s’écrit de droite à gauche. D’accord, ce n’est pas vraiment une découverte, mais quand on arrive à écrire, et à lire, ses premiers mots à l’envers de son sens normal de lecture/écriture, on a l’impression d’avoir enclenché un super-pouvoir. J’imagine que les arabophones et les hébréophones (les personnes qui parlent hébreu) connaissent aussi cette sensation.
Les consonnes
Chaque lettre a trois formes, selon qu’elle s’écrit au début, au milieu ou à la fin d’un mot, et parfois même une quatrième, lorsqu’elle est écrite de façon isolée. Techniquement, l’alphabet arabe est un abjad, un alphabet fait de consonnes, même si on en compte déjà 28 !
Et les voyelles
Après les consonnes viennent les voyelles, qui s’écrivent sous forme de diacritiques, soit des indications qui permettent aux apprenants de savoir comment prononcer les mots (on parle alors de textes didactiques, ou vocalisés).
Une fois qu’on arrive à lire une phrase avec ses voyelles écrites, on passe à l’exercice suivant qui consiste à reconnaître les mêmes mots, sans voyelles. Il faut donc reconnaître la forme des consonnes, puis la racine, et enfin y mettre les bonnes voyelles, que l’on choisira selon le contexte. On en est à peine au deuxième jour de la semaine !
Attention à ne pas confondre ces voyelles avec deux autres signes diacritiques très utiles :
- le point, qui différencie des lettres à la graphie très proche, comme par exemple : ـبـ (b), ـتـ (t), ـثـ (ṯ), ـنـ (n) et ـيـ (y)
- et la hamza, qui marque le coup de glotte et s’écrit tantôt comme une lettre à part entière, tantôt comme un diacritique : ٱ ئ ؤ إ أ
Les racines
J’ai parlé plus haut de racine. Les mots arabes, comme dans les autres langues sémitiques, se forment sur des racines composées le plus souvent de trois consonnes (on les dit trilitères ou triconsonantiques), mais parfois aussi de quatre consonnes (les quadrilitères ou quadriconsonantiques), ou de deux consonnes (les biconsonantiques). On en dénombre environ 5 000.
À partir de ces racines, on peut produire tout un ensemble de mots du même champ sémantique en les modulant avec des schèmes, des groupes de voyelles, au nombre de quelques centaines. Ces schèmes sont associés à des types (verbe, nom, adjectif…) et des sens particuliers (forme verbale, qualificatif, diminutif…).
Prenons l’exemple classique de la racine k-t-b (ك-ت-ب), correspondant à l’idée de mettre par écrit. Elle permet de former les mots et les formes conjuguées suivantes (entre autres) :
- كِتَابٌ (kitâbũ, livre)
- كَاتِبٌ (kâtibũ, écrivain, secrétaire)
- كُتَّابٌ (kut²âbũ, école primaire, écrivains, secrétaires)
- مَكْتُوبٌ (maktûbũ, chose écrite, destinée)
- كَتَبَ (kataba, il a écrit)
- كُتِبَ (kutiba, il a été écrit)
Le nombre en arabe
La langue arabe compte trois nombres : le singulier, le duel (quand deux objets sont dénombrés), et le pluriel. Les pluriels masculins et féminins sont formés par l’ajout de suffixes (ونَ au nominatif masculin, et اتٌ au nominatif féminin).
Un autre pluriel existe : le pluriel interne. Il se forme en réorganisant les voyelles intercalées entre les consonnes radicales. En voici quelques exemple :
- كِتَابٌ (kitâbũ, un livre), كُتُبٌ (kutubũ, des livres)
- طَبِيب (ṭabīb, un médecin), أطباء (ʾaṭibbāʾ, des médecins)
- بِنْتٌ (bintũ, une fille), بِنَاتٌ (binâtũ, des filles)
Les nombres en arabe
Ce qu’on appelle communément « chiffres arabes » est l’ensemble des caractères qui représentent les chiffres de zéro à neuf. Inventés en Inde vers le IIIe siècle avant J.-C., ils ont transité au sein de la civilisation arabe à partir du IXe siècle avant d’arriver en Europe au Xe siècle. Le mot « chiffre » vient d’ailleurs de l’arabe صفر (ṣifr), qui signifie zéro, l’innovation la plus importante de ce système numérique.
Si les chiffres hindî sont utilisés conjointement aux chiffres occidentaux dans les pays du Machrek, c’est-à-dire principalement l’Irak, la Syrie, le Liban, la Jordanie, la Palestine et Oman (comme on peut le voir sur le panneau routier de la photo suivante), les chiffres arabes sont utilisés pour compter en arabe.
Les mots d’origine étrangère en arabe
Comme toujours quand je m’initie à une nouvelle langue, j’essaie de trouver quelques raccourcis pour apprendre du vocabulaire rapidement, et notamment en recherchant des mots venant d’autres langues que je pourrais déjà connaître, ce qu’on appelle des emprunts linguistiques.
Pour une fois, faisons l’exercice inverse : trouvons des mots d’origine arabe en français.
On trouve beaucoup de mots passés dans l’argot : شوية (šuwayya pour un peu, chouïa), كَلْب (kalb pour chien, clébard, clebs), فلوس (fulus pour argent, flouze), مهبول (mahbuul pour fou, stupide, maboule), زملة (zmala pour tribu, famille, smala), سوق (sūq pour marché, souk), طَبِيب (ṭabīb pour médecin, toubib)…
Bien d’autres mots sont arrivés au français via l’espagnol durant la domination musulmane d’Al-Andalus entre l’an 711 et 1492, via le turc de l’empire ottoman, ou via les différents pays du Maghreb, durant et après la colonisation. Pour n’en citer que quelques-uns : أَلْبَرْقُوق (albarquq, abricot), قيراط (qīrāṭ pour la graine de caroube d’un poids de 0,24g, carat), لَيْمُون (laymūn, citron qui donnera limonade), مطرح (maṭraḥ pour tapis, où l’on jette quelque-chose, matelas), شراب (šarāb pour vin, sirop)…